Philippe Carrese

Obsèques de Philippe Carrese

l’intervention de Jean Pierre Cassely lors des obsèque de Philippe

Hommage à Philippe

Il nous manque quelqu’un aujourd’hui, celui qui aurait déjà ouvert son bloc et qui serait en train de faire des crobards de nous, réunis pour lui dire adieu.
Il s’appelait Philippe Carrese.
Je lui dédie cet abécédaire forcément incomplet :

A comme Haribo… Page 114 de « 3 jours d’engatse » et ainsi expliqué dans le lexique à la fin du polar : « bonbons, caramels, demandez le dentiste… ».

B comme Bzzzz : Un OVNI ! émission écrite et réalisée par Philippe avec Chantal Lauby et Bruno Carette entre 1983 et 86, diffusée sur FR3. Le titre était tiré des dernières secondes de vie d’une mouche, tournées en caméra subjective, et avait aussi comme fonction d’obliger la speakerine à perfectionner son élocution dans le registre des consonnes sifflantes. Ce fut la préfiguration d’Objectif Nul sur Canal +.

C comme Cassos, long métrage sorti en 2012. Sachant que le budget du film était limité, Philippe et son producteur, Thierry Aflalou, ont décidé de tourner la totalité du film la nuit : « Quand on tourne de jour, il y a les problèmes de raccord lumière, raccord météo, et on passe pas mal de temps à attendre. On savait qu’on ne disposerait pas de ce temps là… Donc, on a tourné la nuit en douze soirées à Berre l’Etang, où on est raccord tout le temps »

D comme les douze abrutis fiction de 26’ tournée en 1988, pastiche des 12 salopards. Il y a une scène où le sergent recruteur interroge les prisonniers candidats au commando pour savoir ce qu’ils ont commis comme délit et celui interprété par Marc Saez répond : « moi j’ai craché et j’ai parlé au conducteur »…

E comme Enclave, le bouquin de Philippe qui lui a permis de prendre ses distances avec la catégorie « polar marseillais ». Les éditions de l’Aube qui l’ont réédité en poche ne s’y sont pas trompées.

F comme FR3 à ses débuts et France 3 aujourd’hui : quand même !

G comme de Greef grand manitou des programmes de Canal +. On était assis dans son bureau et on l’attendait quand Philippe, assoiffé, repère un verre d’eau sur le bureau. C’était de la Wodka…

I comme IDHEC
(Institut des hautes études cinématographiques).
3 ans à Paris et donc c’est pas idiot comme études quand on veut faire de la télé et du cinéma…

L comme le Petit Lexique de ma Belle Provence que j’Aime co-écrit avec Philippe, édité par Jeanne Laffitte en 1996 puis réédité par l’Ecailler du Sud sous le titre de « The Guide of the Provence » en 2001. Souvent cité pour son inventivité dans le renouvellement de la tradition provençale comme par exemple avec les nouveaux santons de la crèche :
1 exemple :
LOU BARULAÏRE
Rançon du progrès, Lou Barulaïre est la touche finale pour une crèche moderne réussie. Muni de son téléphone portable qu’il tient à l’oreille, le santon connecté est disponible en version vibreur ou sonore (10 sonneries au choix).

M comme Marseille : « L’histoire que vous allez lire est totalement fictive. Elle se déroule dans une ville imaginaire située à 20 kilomètres à l’ouest d’Aubagne et à peu près à 800 kilomètres au sud de Paris, c’est-à-dire quasiment aux antipodes, dans les territoires vierges et exotiques propices aux aventures les plus dépaysantes.
Cependant, pour plus de commodité, nous appellerons cette cité « Marseille » pour qu’il y ait d’engatse de comprenette pour degun ».
Extrait de l’avant-propos de 3 jours d’engatse.

M encore pour Malaterra, téléfilm produit par Comic Strip Production et diffusé sur France 3. Le film est en partie parlé en provençal sous-titré. Grand prix du jury au festival de la fiction TV de Saint-Tropez en 2004. Suivront Liberata et l’Arche de Babel dans le même esprit

M enfin pour Marseille l’italienne docu sorti en 2018, déjà diffusé deux fois sur France 3 qui met en lumière les racines italiennes de Marseille et qu’on espère revoir bientôt

P comme Plus Belle La Vie, depuis 2006, et là c’est Anne Decis qui va vous en parler

S comme la saga Belonore. Trois titres publiés par les éditions de l’Aube : Virtuoso ostinato, Retour à San Catello, et la légende Belonore, C’est pas parce qu’on est d’origine napolitaine qu’on a pas le droit d’écrire la saga d’une famille lombarde non ?

T comme trois jours d’engatse : S’il y a un bouquin qui compte dans l’émergence du « polar marseillais » c’est bien 3 jours d’engatse sorti en 1994 chez un petit éditeur corse Meditorial, puis réédité par Fleuve Noir en 1995, réédité en Pocket en 2002, et enfin réédité aux Éditions de l’Aube, en poche en 2014

U comme Une histoire de l’Humanité, un bouquin sorti en avril de cette année ! Une plongée dans l’univers de l’entreprise, des open-spaces, des lieux de convivialité, des machines à café bio et des conversations iniques entre humains paumés.
Trois  milliards d’années d’évolution pour en arriver là…

Enfin, j’ai laissé volontairement de côté les lettres qui comptent triple au scrabble pour finir évidemment par la lettre…

V comme : « ET MON VIÉ ! »

L’intervention de Anne Décis

Pour Philippe.

Depuis quelques jours, je lis partout dans la presse, les réseaux sociaux, et sur les visages que je croise, tout l’amour, tous les mots les plus justes et si merveilleux qu’il est possible de lire à ton sujet.

Et depuis quelques jours, je me demande comment dire ici, qui tu étais pour moi, comment te résumer en quelques phrases.

J’avais 10 ans quand un jour, je suis tombée par hasard sur l’émission « BZZZ » ovni télévisuel révolutionnaire, sur F.R.3 à l’époque; déjà sans te connaître, j’étais mordue à cet humour génial et improbable.

Je me souviens très bien lors des premiers moments de notre rencontre, être restée sans voix quant à l’évocation de ce jubilatoire souvenir de jeunesse, tu m’avouais dans un sourire, en être l’instigateur. « Quelle chance! « je me suis dis alors, de pouvoir travailler avec toi!

Notre rencontre a eu lieu sur les plateaux de Plus belle la vie; très vite, tu es devenu une figure emblématique de ce feuilleton cher à nos coeurs… tu en as réalisé 480 épisodes; c’est à toi que l’on faisait confiance pour essayer les nouvelles caméras, tenter de nouveaux modes de fonctionnement, réaliser un premier Prime à l’étranger, réunir près de 100 personnes sur la place du Mistral pour tourner le « Mannequin challenge » de Plus belle la vie, et j’en oublie.

Souvent, j’arrivais sur le plateau angoissée devant certaines séquences à jouer et en une phrase, tu me rassurais d’un « t’inquiète, ça va bien se passer! » cette phrase, nous sommes beaucoup à l’avoir entendu et à l’avoir aimer.

Avec toi, les choses paraissaient simples; on essaie, et « tant ça marche! »
La Vie, c’est à la fois simple et un grand bordel, avec une musique napolitaine en fond sonore.

Tu avais ce talent incroyable de savoir donner confiance à la personne en face de toi; tu encourageais toujours chacun d’entre nous à se réaliser, tu répondais toujours présent quand on venait te solliciter pour un conseil, un coup de main, avec une générosité et une bienveillance dont tout le monde ici peut témoigner.

D’ailleurs, quand tu battais le rappel pour tourner avec toi, c’était un OUI immédiat et massif; tu n’avais aucune peine à trouver une équipe prête à te suivre. même, et surtout, si c’était dans une cave non chauffée en plein hiver, enfermé pendant des heures, avec un rat imaginaire. Pedro ce rat norvégien incompris.

« quelle chance » à nouveau je me suis dis, que tu me proposes d’être devant ta caméra.

Quand on venait te chercher en te disant ‘j’ai une idée », ton oeil s’allumait tout de suite. on travaillait toujours avec ferveur, avec joie, avec un soin particulier et un traitement sérieux de la déconnade aiguë; Que ce soit dans un décor de supermarché, dans une formation de groupes musicaux improbables, par exemple.

tu savais nous apprendre à nous affranchir de ce que l’on attendait de nous, du regard des autres. il m’est arrivé à plusieurs reprises de te faire part d’un rêve à accomplir; et tu me répondais avec une simplicité et une évidence dans la voix « Vas-y fais-le! «

le plus bel exemple de cette liberté, c’est toi qui le donnais; comment ne pas être ébahi devant tes talents d’auteur prolifique, de musicien multi-instrumentiste, de dessinateur aux crobards grinçants et drôlissimes, en plus d’être un réalisateur capable de surprendre avec des créations aussi originales telles que « Malaterra » tourné essentiellement en provençal, « Liberata » ou encore « L’arche de babel »

Voilà ce que tu nous as appris; être libre de s’accomplir, ne pas attendre que ça vienne de quelqu’un d’autre, oser être soi, en somme. quel plus beau cadeau peut-on faire?

Et puis, plus personnellement, grâce à toi j’ai rencontré Lucile; avec qui j’ai la chance d’être amie, qui à son tour, me transmet un peu de son savoir, de ses talents multiples. Lucile, témoin privilégié de toutes créations, ta partenaire de vie avec laquelle tu as créé la fameuse et magnifique tribu Carrese, Lucile qui assurait la bolognaise des tournages, la femme de l’ombre si lumineuse, moderne, à l’humour féroce et à la curiosité insatiable, tout comme toi.

J’aimais que l’on se réunisse tous les 4 avec jeanbas pour jouer à la contrée; j’adorais que tu sois mon binôme, et perdre avec toi. Tu haussais le sourcil derrières tes lunettes en te marrant doucement de mes mises hasardeuses, et lamentablement, nous échouions ensembles, c’était le naufrage attendu, en arguant que « forcément sans les 4 as, c’est plus compliqué pour gagner! »

Depuis quelques jours, c’est un déferlement d’amour, une vague immense de souvenirs magnifiques, drôles et reconnaissants que l’on entend sur toi. tu vis à travers chacun d’entre nous, et ton oeuvre fera des petits, c’est certain. tu nous laisses riches de ta vie, si belle et si dense.

Merci à toi; quelle chance j’ai eu de te connaître!
avec tout mon amour, A dans une prochaine vie Philippe.

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Dans : Actualités

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