Philippe Carrese

Alors ? Dimanche ?

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Alors ? Dimanche ? Tu votes pour qui ?

La situation est simple. Lundi 31 mars, il y aura un maire élu démocratiquement pour diriger Marseille. Trois possibilités s’offrent à nous, électeurs : Ravier, Gaudin, Mennucci. Pas une de plus, pas une de moins. Le maire qui va guider le destin de notre ville pendant les six ans à venir sera forcément un de ces trois hommes. Mathématiquement, c’est encore possible pour le dernier des trois, Patrick Mennucci. Même si les chances sont infimes, elles existent. Puisque c’est le jeu démocratique, poussons-le jusqu’au bout.

En préambule, je tiens à dire à tous mes copains de droite comme de gauche ou du centre qui veulent glisser un bulletin nul dans l’urne, en se drapant dans je ne sais quelle attitude à la gestuelle outrée, que le vote blanc n’est pas un vote de protestation, c’est juste un geste totalement inutile dans les conditions actuelles de scrutins. Ça sert à rien, les gars. Un peu comme un naufragé au milieu de l’océan qui refuserait obstinément de nager en signe de protestation, au prétexte qu’il aurait déjà payé sa traversée et qu’il s’estimerait lésé.

Donc trois possibilités. La première est tout simplement impensable : voter pour les charognards au look lissé de l’extrême droite, même pas dans mes pires cauchemars.

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Restent deux possibilités. Gaudin ? On sort de plus de 18 ans d’une municipalité Gaudin. Quel est le vrai bilan ? Vingt ans de gestion, quinze ans de retard. Une génération perdue. En trois mandatures, il ne s’est pas passé pour notre ville ce que nous autres, citoyens marseillais, étions en droit d’exiger au terme de la première. L’immobilisme de l’équipe en place n’est pas qu’un argument électoral pour son opposition, c’est un mode de fonctionnement, une méthode confortable pour ceux qui l’ont pratiqué avec assiduité, certes, mais tellement improductive que notre ville sombre, et nous avec. Après l’engouement sur Marseille au milieu des années 90, nous aurions pu devenir Los Angeles. Raté ! Même si l’année de la culture a boosté in-extremis l’image de la ville, nous n’avons jamais été à la hauteur de son potentiel extraordinaire. On nous rétorquera qu’il y a tout de même des réalisations importantes. Heureusement qu’il y en a, c’est la moindre des choses en 19 ans, pour une municipalité de près d’un million d’habitants. Mais il y a surtout des décisions (ou des non-décisions) impardonnables à mes yeux, des preuves matérielles du manque de vision et d’ambition de la municipalité sortante.

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Le toit du stade vélodrome, exorbitant ? La patinoire, grotesque et hors de prix ? L’avenue du Prado transformée en couloir de béton ? Les cabanons de la Madrague, derniers vestiges de nos vraies traditions populaires, rasés ? Les derniers espaces verts des quartiers sud bradés à messieurs Kaufman et Broad ? Les platanes centenaires de la Place de Lenche, rasés eux aussi ? Le plan de circulation ubuesque, avec l’autoroute de Lyon qui déboule sur un sens interdit et qui dirige le flot des visiteurs égarés vers les ruelles du Panier ? La L2, axe de désengorgement indispensable en friche depuis plusieurs générations ? Les pistes cyclables de Michelet interdites aux vélos (authentique) ? Le vide culturel pendant plus de quinze ans, jusqu’à ce que, contraintes et forcées par l’arrivée de l’année capitale 2013, les décisions se prennent en catastrophe ? La main-mise des syndicats majoritaires sur le fonctionnement des institutions ? L’éradication scandaleuse de la nécropole Malaval, vestige archéologique unique dans l’histoire judéo-chrétienne balayé d’un coup de pelleteuse ? Le manque de structures sportives comme les piscines municipales qui ferment l’été ? Le manque de volonté politique, une municipalité pas foutue d’imaginer et de mettre en place un système propre et cohérent de transports en commun vers les deux pôles d’excellence que sont Luminy et Chateau Gombert ? L’abandon pur et simple de certains quartiers au nord du Vieux Port ? Le manque de moyens pour les projets éducatifs, sportifs et culturels pour ces populations socialement défavorisées ? C’est ce manque-là que nous payons aujourd’hui, cette génération-là qu’on a méprisée et qui remplit les colonnes des faits-divers dans les quotidiens locaux. En 1997, ce Gaudin-là, à qui on demandait pourquoi il refaisait faire les trottoirs du boulevard Michelet encore en bon état, plutôt que ceux de la montée vers la cité de la Savine, inexistants, répondait sans vergogne : « parce que mes électeurs, ils sont ici, pas là-bas » . C’est cette inconséquence que nous payons aujourd’hui. Et vous voudriez supporter cette gestion pendant six ans de plus ?

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Mais la goutte qui fait tout déborder, en cette fin de campagne électorale sans relief, ce n’est pas le constat de l’indigence et de la médiocrité. Ce n’est pas non plus cette alliance scélérate de dernière minute avec les affidés à la famille Guerini. Non. Le débat démocratique est la base même de notre système. Il était prévu. Jean-Claude Gaudin le refuse, ostensiblement, avec des arguments non recevables. Une honte. Ce comportement, de la part d’un élu de la République est moralement inadmissible. Le peuple, c’est à dire nous, l’avons mis à cette place, ne l’oublions jamais ; ils nous doivent des comptes, et pas le contraire.

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Reste donc le candidat Mennucci. On ne se voilera pas la face, nous connaissons son parcours, ses réseaux, ses défauts. Et nous sommes témoins depuis trois mois de l’art consommé qu’à la gauche marseillaise de se tirer des balles dans le pied. Et c’est vrai, il n’est pas le candidat le plus glamour que le monde politique local nous ait proposé (et on s’en fout, d’ailleurs). Mais il a un programme. Quelques idées. Une volonté affichée que je crois sincère de se sortir de ce système clientéliste qui plombe la vie de la gauche marseillaise (pas que de la gauche, d’ailleurs). Si j’osais, en résumé, c’est le moins pire des trois.

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Dimanche, je voterai donc pour le moins pire des trois. Attention, ces quelques lignes ne reflètent que mes réflexions. Elles expliquent mes intentions, elles sont là pour éventuellement aiguiser les vôtres. Ce n’est pas un appel enflammé et partisan à voter Patrick Mennucci, juste une base de travail et de méditation avant ce second tour crucial pour les six années à venir dans notre ville, Marseille.

Philippe Carrese, mercredi 26 mars 2014

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Dans : Actualités, Illustrations

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